L’art de définir la « raison d’être inspiré par l’art » : une piste pour les jeunes créateurs

Aujourd’hui la « Raison d’Être » des entreprises est devenue un sujet important pour la plupart d’entre elles et fait l’objet de recherches et d’études approfondies. La HBR vient de sortir un numéro spécial à ce sujet en avril 2022, ce n’est qu’un exemple du flot incessant d’une abondante littérature à cet égard. Tous les écrits s’accordent sur la nécessité de traiter cette question dans le cadre d’une véritable réflexion et non d’en faire un exercice de communication. L’essentiel du propos qui se focalise sur le motif profond qui pousse l’organisation à proposer un produit en lien avec une finalité supérieure. Cette approche a été popularisée par le médiatique Simon Sinek avec son « golden circle » qui a très bien expliqué pour quelle raison il était essentiel pour les entreprises de rendre explicite le pourquoi de leur action plutôt que leurs produits et leurs méthodes.  

Les entreprises proposent toutes sortes de produits et services dans une optique de création de valeur et de gain. Vu de loin, on peut avoir l’impression qu’une très grande majorité d’entre elles sont purement concurrentes et ne se battent que sur le terrain de l’efficacité des process et l’optimisation des coûts pour maximiser les profits, la croissance et assurer la pérennité.

Mais si ce modèle de compétition féroce avec des gagnants et des perdants perdure, que les moyens d’innombrables organisations semblent imbattables, il y a des nouvelles entreprises qui existent ou se montent en faisant preuve d’un tout autre esprit. Un esprit de contribution responsable vis-à-vis de la protection de la planète, le respect des collaborateurs et la proposition d’une expérience produit pour les clients qui leur soit bénéfique.

Si les intentions sont bonnes, il est néanmoins parfois difficile de les maintenir sur le long terme ; par exemple la banalité des produits expose à la concurrence et la loi du meilleur marché. Alors où chercher l’inspiration ? Qui parvient à remporter ce challenge ?

Je pense qu’il peut être intéressant d’étudier l’approche des artistes qui sont de petites entreprises individuelles mais avec une raison d’être extrêmement claire et solide qui leur permet de traverser le temps d’un parcours de vie avec suffisamment de succès pour que leur œuvre leur survive et inspire…  

Lorsqu’ils ou elles sont engagé.es profondément dans un chemin de création, finit par se développer une pensée – cristallisée pour ainsi dire dans une forme sensible – très identifiable et unique en son genre.

Prenons le cas d’un plasticien très connu comme Andy Warhol. La contribution de l’artiste, le « sens de la démarche » a pu et peut échapper à beaucoup de gens, voire à une immense quantité de personnes, mais il n’en reste pas moins que le style de l’artiste a traversé le temps au point d’en faire quasiment une marque de fabrique. Dans son cas, littéralement avec sa « Factory » il a promu la culture publicitaire au rang d’art par le biais de la répétition d’un motif répété et traité principalement par la lithographie et une palette de couleurs acidulées et voyantes. Ce qu’il a offert au très grand public, de l’individu de la rue à la star médiatique est le rêve d’une iconisation offerte à tous. En glorifiant le banal il a prédit au monde que dans le futur, tout le monde serait « célèbre pendant 15 minutes »[1]. Il a donné une dimension poétique aux boites de conserve Campbell bon marché, élevé la marguerite au rang de chef d’œuvre, lancé la mode des portraits quadruples et esquissé les principes d’un art qu’on trouve aujourd’hui détourné mondialement en élément de décoration « contemporaine » pop sur tant de teeshirt et de mugs…

Qu’on trouve son travail intéressant ou non, artistique ou non, il n’en a pas moins laissé une trace considérable et produit une œuvre très unique qui a bousculé bien des conservatismes.  

« Un artiste est une personne qui crée des choses dont les gens n’ont pas besoin mais, pour une raison quelconque, il pense que ce serait une bonne idée de leur apporter. » 

Cette formule est provocatrice mais j’y vois la vérité de l’artiste convaincu qu’en développant sa spécificité et en s’affranchissant des standards il a pu développer toute une économie et une production d’objets qui ont enchanté des millions de personnes.

Son travail s’est constitué en œuvre et son inventivité lui ont servi de stratégie.

Je pense qu’il est potentiellement intéressant pour des entreprises préoccupées par la définition de leur raison d’être de rechercher dans le monde de l’art un artiste dont l’œuvre et la démarche parlent à son fondateur. Parce qu’à l’origine de la démarche de création de l’entreprise il y a un désir et une idée rivés au cœur de son créateur qui va les partager avec conviction à d’autres personnes qu’il entrainera dans l’aventure. Imaginer alors son entreprise comme la création d’une œuvre d’art qui va se constituer en un ensemble de plus en plus structuré pour donner naissance à un style et une œuvre, peut devenir une façon de raisonner et de se projeter dans le futur. Le risque à courir ? en être quitte pour une excursion artistique. Et le bénéfice ? une façon nouvelle d’envisager le désir d’entreprendre au nom d’une conviction personnelle dans son talent unique pour imaginer, faire et concrétiser.

[1] “In the future, everybody will be world famous for fifteen minutes.” Andy Warhol. In Article de Time Magazine paru en  1967 et l’année suivante il a créé une variante mondialisée de sa fameuse citation « In the future, everybody will be world-famous for fifteen minutes. »